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Capitalisation du programme migrations et initiatives économiques

  Le Programme Migrations et Initiatives économiques engagé par le Programme Solidarité Eau (pS-Eau) en 2001 s'intéresse aux migrants d'Afrique subsaharienne et d'Afrique du Nord créateurs d'entreprise dans leur pays d'origine et en France. Il vise à constituer un pôle d'information, de formation et d'appui technique pour leurs initiatives économiques.

Le PMIE comprend des actions en direction des migrants porteurs de projets mais aussi des actions relatives aux opérateurs d'appui. Le PMIE entend notamment susciter la capitalisation et la diffusion des pratiques des organismes , eu égard aux compétences spécifiques et complémentaires dont ils disposent et l'élaboration d'outils communs.

Dans cette optique a été entrepris un travail d'analyse des caractéristiques du public migrants accueilli par trois associations : le GRDR, la FAFRAD et l'IRFED. L'analyse relative au GRDR (Groupe de Recherche et de réalisation pour le Développement Rural dans le Tiers-monde) a fait l'objet d'une publication dans le magazine Mouvements n° 24. Le présent article relate les résultats de l'analyse concernant la FAFRAD (Fédération des Associations Franco-africaines de Développement). Ce travail, réalisé en partenariat avec la FAFRAD , a été basé sur les fiches d'accueil de cet organisme.

Le GRDR, la FAFRAD et l'IRFED font partie du groupe GAME (Groupe d'Appui à la Micro-Entreprise ) animé par le Programme Migrations et Initiatives Economiques. Mis en place à l'origine en 1998 pour la rédaction du guide pratique « Se réinstaller et entreprendre au pays », le GAME poursuit cette dynamique d'échange d'expériences et de partenariat et regroupe actuellement 10 opérateurs spécialisés dans l'appui aux initiatives économiques des migrants.

Il s'agit d'une analyse comparée des caractéristiques des migrants appuyés entre 1998 et 2000 et des migrants effectivement réinstallés dans leur pays d'origine durant cette même période. Les éléments de comparaison ainsi dégagés permettent de formuler des hypothèses quant aux critères déterminant la réalisation effective du projet d'activité au pays.

L'analyse porte sur 69 migrants. Les critères d'analyse sont les suivants : l'âge, la situation familiale, la zone de réinstallation, le type de projets, la situation professionnelle, le statut juridique.

Pour chaque critère est également proposée une comparaison avec le public de migrants porteurs de projets appuyés par le GRDR , sur la base de l'analyse effectuée en 2000. Remarquons que les périodes sur lesquelles portent ces deux analyses et le volume du public du GRDR et de la FAFRAD ne sont pas similaires. La comparaison entre leur public est donc à considérer avec précaution.

La FAFRAD , créée en 1992, est une association loi 1901 qui travaille à la fois en direction des migrants créateurs d'entreprise dans leur pays d'origine et des OSIM (Organisation de Solidarité Internationale issue de l'Immigration) : appui à la structuration, au montage de projets, recherche de partenariats. Elle s'investit également dans l'information et la sensibilisation quant au statut des étrangers, aux questions d'insertion.

1. Le sexe

  Les hommes apparaissent nettement majoritaires parmi les personnes sollicitant un appui (83%). Les femmes représentent uniquement 17 % des demandeurs. Elles sont par contre légèrement plus nombreuses à se réinstaller (20%).

Il est intéressant de constater que les 8 femmes réinstallées sont célibataires, avec ou sans enfants ou divorcée. Les 4 femmes toujours en France sont, quant à elles, mariées, divorcée ou célibataire. Il semblerait ainsi que la situation matrimoniale soit un facteur d'importance dans la réalisation du projet de retour. Les femmes célibataires, outre le fait qu'elles aient été les plus nombreuses à solliciter un appui, se sont, à l'exception d'une, toutes réinstallées. Cela n'a pas été le cas des femmes mariées.

Le GRDR connaît également une sur-représentation des hommes parmi les personnes qui souhaitent un appui. A la différence de la FAFRAD , elle est encore davantage accentuée lors de la réinstallation.

2. La situation familiale

  On remarque que 11% des personnes accueillies vivaient avec leur épouse et leurs enfants mais qu'aucune n'est rentrée. Les célibataires sans enfant représentent, quant à eux, 44,50% des migrants appuyés par la FAFRAD et 56% des personnes réinstallées. Les migrants dont la famille vit au pays représentent 44,50% des personnes soutenues dans leur démarche de conception de projet et 44% des personnes réinstallées.

Ainsi, la présence de la famille en France semble rendre problématique le retour du fait, notamment, de la scolarisation et de l'insertion des enfants dans la société d'accueil.

D'autre part, on constate que les célibataires sans enfant se réinstallent davantage que les migrants dont la famille est au pays. Est-ce dû au fait que le retour implique l'arrêt de l'envoi d'argent issu de la migration ? On peut penser, en effet, que la fin de la « rente migratoire » se pose en des termes différents selon que l'on ait ou non une épouse et des enfants à charge au pays.

L'analyse du public du GRDR fait également apparaître le fait que la présence de la famille en France semble être un facteur limitant le retour. Ainsi, 78% des personnes retournées vivre au pays vivaient seules en France.

3. L'âge

La classe d'âge la plus représentée est celle des 30 à 50 ans (67% des personnes accueillies). Ce pourcentage s'élève à 68% des personnes réinstallées. Les moins de 30 ans ne sont que 12% à solliciter un appui mais 18% à retourner vivre au pays. Alors que les plus de 50 ans représentent 21% des personnes accueillies, ils ne sont que 14% à se réinstaller.

On peut s'interroger sur les raisons du faible nombre de personnes de plus de 50 ans qui sont retournées vivre au pays suite à l'élaboration d'un projet d'activité. Il serait intéressant d'effectuer une analyse croisée avec la situation familiale en France. En effet, on a vu que la présence de la famille en France semblait constituer un « obstacle » au retour. Afin de compléter cette analyse, il faudrait prendre en compte la situation professionnelle. Ces personnes sont-elles retraitées ? Dans le cas où elles s'avéreraient toujours actives, des informations concernant le type de travail effectué et surtout le type de contrat dont elles disposent seraient à relever. Il semblerait, en effet, que les personnes qui travaillent sous Contrat à Durée Indéterminée rentrent rarement (cf.6).

La majorité des promoteurs accueillis par le GRDR étaient également des actifs. On note toutefois des différences de taille. La réinstallation concernait majoritairement les plus de 50 ans ( personnes retraités ou « en fin de carrière »). Aucun jeune de moins de 30 ans n'était retourné vivre au pays

4. La zone de réinstallation

90 % des promoteurs appuyés sont originaires du bassin du fleuve Sénégal (BFS). 62% sont du Mali et 28% du Sénégal. On remarque ainsi l'absence de ressortissant mauritanien. Les 10% qui ne sont pas du BFS, soit 7 personnes, sont originaires du Bénin (1), des Comores (1), de la Côte-d 'Ivoire (3), du Nigéria (1) et du Togo (1).

Les migrants originaires du BFS sont légèrement plus nombreux à s'être réinstallés (93%). Ces conclusions doivent toutefois être nuancées au regard du faible nombre de personnes originaires de pays autres que le Mali et le Sénégal. Plus précisément, on remarque que les Maliens ont davantage opté pour le retour que les Sénégalais. Ils représentent, respectivement, 66% des personnes réinstallées pour 62% des personnes accueillies et 27% des migrants réinstallés pour 28% des migrants accueillis.

Les promoteurs de projets appuyés par le GRDR étaient également, pour une majorité d'entre eux, originaire du BFS. On constate toutefois que 38% des migrants accueillis venaient d'autres pays d'Afrique. La réinstallation concernait de façon écrasante les ressortissants du BFS (77%).

5. Le type de projets

On peut brosser ici une comparaison entre le type de projets des personnes accueillies et le type de projets des personnes réinstallées. Toutefois, il importe de souligner qu'il s'agit là de projets d'activités dont on sait qu'ils connaissent des modifications, voir un abandon au profit d'une autre activité, lors du retour du fait de différents facteurs, en particulier la prise en compte du contexte économique local et des opportunités du marché. Cette remarque vaut notamment pour les migrants qui, avant la mise en ouvre effective de leur projet, n'ont pas eu la possibilité ou n'ont pas estimé nécessaire d'effectuer un voyage au pays afin de prendre connaissance de différents paramètres essentiels à la réussite de leur activité.

Seules 15% des personnes réinstallées se consacrent aux activités agricoles et/ou agropastorales alors que 28% des migrants accueillis s'étaient intéressés à ce secteur.

Lors de la préparation du retour, ils entendaient se consacrer aux cultures céréalières, au maraîchage, à l'embouche. On note également des projets d'aviculture, d'arboriculture et d'horticulture. Un migrant, originaire de Côte-d'Ivoire, comptait exploiter une plantation de cacaoyers et de bananiers. Ainsi, près du tiers des personnes accueillies projetaient de s'investir dans le domaine primaire. Cela s'explique par le fait que ces personnes sont déjà expérimentées. En effet, elles ont, pour beaucoup, pratiqué les « travaux des champs » avant d'émigrer.

La tendance s'inverse légèrement pour ce qui est du commerce  : 41% des promoteurs réinstallés pour 36% des promoteurs accueillis et des transports (transport en commun ou transport de marchandises) : 12% pour 8% des migrants accueillis.

Le commerce arrive nettement en tête des projets d'activités que souhaitent mettre en place les migrants lors du retour (36%). Il semblerait que le commerce soit une activité particulièrement valorisée de par les forts gains escomptés. D'autre part, cette activité est généralement considérée comme ne nécessitant pas de compétence particulière. Il s'agit souvent de projets de magasins d'alimentation ou de céréales mais aussi de boutiques de vêtements ou de tissus. Quelques projets concernent la vente de produits cosmétiques et la location/vente de robes de mariées. Ces derniers relèvent de l'initiative des migrantes. On note enfin des projets d'import/export.

Les autres types d'activités sont représentés à peu près dans les mêmes proportions lors de la préparation du projet et du retour, à savoir :

•  Artisanat : 3% et 5%
•  Restauration : 7% et 7%
•  Télé-boutique : 3% et 5%
•  Autres : 15% et 15%

L'artisanat est représenté par un projet d'atelier de couture ainsi que par un projet de salon de coiffure.

En ce qui concerne les activités de restauration, 3 des 4 personnes intéressées par ce domaine projettent d'intégrer une animation karaoké au volet restauration.

On entend par « télé-boutique » un lieu où est mis en service un téléphone avec parfois une photocopieuse et un fax.

Enfin, 15 % des migrants comptent mettre en place une activité qui relève d'autres domaines . On peut citer un projet de traitement et de commerce du bois, d'entretien de bateaux, de vente d'équipements électriques, de vente d'équipements solaires, un projet de société dans le domaine du froid et de la climatisation, un dépôt de médicaments et, enfin, un projet de centre de formation (soutien scolaire et initiation à l'informatique).

La comparaison avec les migrants appuyés par le GRDR met à jour des différences notables. En effet, 74% des promoteurs qui ont bénéficié de l'appui du GRDR projetaient de s'investir dans le secteur primaire. Plus encore, 82% de ceux qui se sont réinstallés se consacreraient à cette activité. Cette sur-représentation des activités agricoles et/ou pastorales s'explique aisément. Les formations techniques dispensées par le GRDR dans ce domaine constituent l'une des raisons. D'autre part, le fait que le GRDR développe des actions en milieu rural dans la zone du bassin du fleuve Sénégal influe sûrement.

6. La situation professionnelle 

Attention : En l'absence d'informations systématiques concernant la situation professionnelle et le statut juridique des promoteurs (cf.7), nous ferons état ici de quelques remarques générales.

En ce qui concerne la situation professionnelle, les retraités sont très peu nombreux parmi les promoteurs. Les étudiants sont également minoritaires. La majorité des migrants appuyés sont donc des actifs.

Il semblerait que les migrants qui retournent vivre au pays aient, pour une grande part, occupé des emplois précaires en France. Au contraire, ceux qui travaillent de façon régulière (Contrat à Durée Indéterminée) entreprennent rarement de se réinstaller.

Il existerait ainsi une corrélation entre le caractère précaire du /des emplois occupés en France et le retour dans le pays d'origine. Dans le cas du GRDR, cette hypothèse se trouve confirmée. Les retraités ne représentaient que 4% des promoteurs accueillis. Les personnes au chômage ou au RMI étaient 61% et 70% à se réinstaller, les personnes en activité uniquement 20% et 10% à se réinstaller, les personnes sans allocation, 15% (accueil et réinstallation). Il s'agissait donc, pour une grande part, d'un public en difficulté.

7. Le statut juridique

Nous entendons par « statut juridique » le caractère régulier ou non de la présence en France. Près de la moitié des promoteurs seraient en situation irrégulière en France et, pour un grand nombre d'entre eux, auraient fait l'objet d'une IQF (Invitation à Quitter la France ). Dans ce dernier cas, les migrants ont sollicité la FAFRAD suite aux conseils de l'OMI. Uniquement quelques personnes ont la nationalité française.

Nous ne pouvons établir de comparaison à ce niveau avec les migrants accueillis par le GRDR. Tout comme la FAFRAD , le GRDR ne demande pas explicitement au migrant quel est son statut et ne le spécifie évidemment pas dans sa fiche d'accueil . Rappelons que les informations rapportées ci-dessus sont d'ordre qualitative.

Conclusion

Le public de la FAFRAD apparaît plutôt « homogène ». Essentiellement masculin, il est composé de migrants africains, pour une large part originaires du bassin du fleuve Sénégal. Actifs mais rencontrant pour certains d 'importantes difficultés d'accès à l'emploi, en tout cas à un emploi stable, ils vivent en majorité en célibataire en France. Ces caractéristiques sont proches de celles des migrants appuyés par le GRDR quoi qu'il faille parfois nuancer.

L'appui/conseil à la création d'activité prodigué par la FAFRAD se double souvent d'un travail de mise en confiance et de soutien psychologique. Nombre de personnes rencontrent, en effet, des difficultés socio-professionnelles. Le retour semble « sur-déterminé » par certains facteurs : situation matrimoniale, présence de la famille en France ou dans le pays d'origine, situation professionnelle notamment.

Les résultats de cette analyse recoupent généralement ceux relatifs au public du GRDR. Ce travail basé sur les fiches d'accueil gagnerait à être prolongé par des entretiens auprès des promoteurs de projets eux-mêmes. Des éléments d'ordre qualitatif pourraient alors émerger.


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